mardi 4 décembre 2012

Soirée du 12 novembre 2012

Le poète: Georges Haldas
Le thème: Venu pour dire


Né le 14 août 1917 à Genève, de père grec et de mère suisse, Georges Haldas est un poète, essayiste, traducteur, scénariste, critique littéraire et chroniqueur. Il a grandi quelques années de son enfance en Céphalonie (Grèce) et passé de nombreuses années à Genève, avant de s’installer au Mont-sur-Lausanne. 

L’âge avancé, le corps affaibli et la vue diminuée, il gardait pourtant le verbe sûr pour parler des choses de la vie, de sa vie et de « l’Etat de poésie » qui l’habitait. Auteur prolifique, Georges Haldas a reçu de nombreuses distinctions, dont le Prix Schiller en 1971 et 1977. Il est décédé et a rejoint la "Source", comme il aimait l'appeler, le 31 octobre 2010.

En hommage, dans un article du journal "Le Temps", cette présentation du poète nous est laissée: Pour le grand public, il était celui qui écrivait dans les cafés genevois. Ces dernières années, il était devenu une sorte de poète de la chrétienté, parlant ou écrivant sur la résurrection sans dogmatisme. Georges Haldas, sa foi douce, sa plume claire, son ton affectueux, son talent qui savait se mettre à hauteur de l’histoire et des gens qui l’habitaient. Sa poésie douée pour l’élévation.


Quelques textes:

- du recueil: Poèmes de jeunesse

LES MOTS

Les mots sont les oiseaux
de notre solitude
les mots nous sont donnés
pour aimer pour nommer

pour rappeler la vie
pour fixer la patrie
pour protéger les lieux
pour couvrir les abîmes

pour accepter la nuit
pour déjouer la mort
et pour donner appui
aux faibles et aux forts

ô Toi qui fis la terre
je Te nomme et Tu luis
Tu dis paix sur la terre
le ciel se réjouit.

***

LE POÈTE

Ayant tout perdu
et jusqu'à son chemin
Il en devient pareil
à la nuit de la graine
Avec sa joie obscure
sa chaleur incertaine

***

LE POÈME

Signé de mots qui brûlent
du fond de sa prison
le billet va chercher
de nouveaux horizons

Un ami le prenant
entre ses doigts usés
croit l'avoir déchiffré
Il est carbonisé

***

- du recueil: Venu pour dire

TABLE COMMUNE

Je suis venu pour dire  :
Poissons des profondeurs
remontez je vous prie
Venez à la hauteur
de ma maison légère
Rendez-moi la douceur
des bougies Rendez-moi
un à un les visages
des amis les plus chers
Préparez pour la fête
une table commune
Où les pauvres auront
enfin dans la lumière
la part qui leur revient
Poissons des profondeurs
faites briller les verres
Et que le vin pour tous
soit celui de chacun

***

LE SCRIBE

Je suis venu pour dire
que dan mon souterrain
j'allume une bougie
Sur une page blanche
j'écris des mots tremblants
La maison bouge encore
sous les bombardements
Mais le Scribe immobile
que je suis maintenant
continue son travail
Tout saigne en lui mais calme
il est la minutie
perdue dans la tourmente
De lui chaque syllabe
vous arrache au néant
Il dit contre la mort
le grain toujours vivant

***

L'AVERSE

Je suis venu pour dire
que la table était mise
et le repas servi
Mais une pluie légère
un instant nous faisait
rentrer dans la maison
La maison de toujours
Et quand cessait la pluie
on reprenait nos places
Et le repas durait
fleuri par les étoiles
Et le silence était
durant de longs moments
une nacelle heureuse
où chacun devinait
que ce qui fut sera
Que bien avant la pluie
tout était déjà là

***

HABILLÉ DE LUMIÈRE

Je suis venu pour dire
qu'habillé de lumière
pour tous je brillerai
Je serai reconnu
Et les yeux me verront
enfin comme je suis
Léger sera le pain
qu'à peine on touchera
Léger aussi le vin
Car nos corps de lumière
n'en auront plus besoin
Parler sera de trop
Tout sera dit sans mots
Et tout sera fontaine
comme aux grands jours d'été
où de loin on voyait
trembler l'air sur les blés

***

BLÉ VIVANT

Je suis venu pour dire
comme un dernier adieu
aux oiseaux de la rade
Aux matinées heureuses
Car ceux que j'aimais tant
sont partis à la guerre
ou bien dorment sous terre
Mais en moi je les porte
Ils respirent mon air
Ils se tournent parfois
et je les reconnais
Mon adieu est encore
tout plein de leur présence
La nuit je les entends
par moments murmurer
Ils sont en moi le blé
qui mûrit en silence


Georges Haldas

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