Le poète: Paul Eluard
Le thème: l'écriture automatique
Né à Saint-Denis en 1985, les
premières années de la vie d'Eugène Grindel (dit Paul Eluard) sont
marquées par la maladie et les visions d'horreur de la guerre. Il
rédige alors quelques poèmes témoignant du rejet de la haine et de
la terreur. A la fin du conflit, il fréquente André Breton, Aragon,
Soupault, Tzara... D'abord adepte du mouvement Dada, il prend part,
par la suite, au surréalisme. Au sein du groupe, il réalise bon
nombre de ses poèmes autour du thème de l'amour.
Poète humaniste militant contre
l'injustice, la haine et l'horreur et prônant l'amour dans un vers
fluide et profond, Eluard s'éteint en 1952.
En hommage, le célèbre poète Pablo
Neruda écrira :
"Il m'est très difficile d'écrire sur Paul
Eluard. Je le verrai toujours vivant à mon côté, avec, brûlant
dans ses yeux, cette profondeur électrique, cette profondeur bleue
qui dominait tout et de si loin.
Cet homme tranquille était une tour
française, couverte de fleurs. Il sortait du sol où lauriers et
racines entrelacent leur patrimoine parfumé. Toute sa personne était
faite de pierre et d'eau et un liseron ancien y grimpait, chargé de
fleurs et de feux, de nids et de chants transparents.
« Transparent » est le
terme exact. Sa poésie était cristal de roche, eau immobilisée en
son cours incessant.
Poète de l'amour zénithal, pur
brasier de midi, il avait déposé son coeur au milieu de sa patrie
dans les jours noirs de la défaite et il en sortit un feu décisif
pour les batailles. [...]
Il était mon ami de tous les jours et
je perds sa tendresse qui constituait une partie de mon pain.
Personne ne pourra me donner à l'avenir ce qu'il emporte puisque sa
fraternité active était l'un des luxes précieux de ma vie.
Sa colonne bleue soutenait les forces
de la paix et de la joie. Il est mort les mains fleuries, en soldat
de la paix, en poète de son peuple.
Tour française, Paul, mon frère !
Je me penche sur tes yeux fermés dont
je continuerai à recevoir la lumière et la grandeur, la simplicité
et la droiture, la bonté et le naturel que tu as implantés sur la
terre."
Quelques textes:
LE JEU DE CONSTRUCTION
L'homme s'enfuit, le cheval tombe,
La porte ne peut pas s'ouvrir,
L'oiseau se tait, creusez sa tombe,
Le silence le fait mourir.
Un papillon sur une branche
Attend patiemment l'hiver,
Son coeur est lourd, la branche penche,
La branche se plie comme un ver.
Pourquoi pleurer la fleur séchée
Et pourquoi pleurer les lilas ?
Pourquoi pleurer la rose d'ambre ?
Pourquoi pleurer la pensée tendre ?
Pourquoi chercher la fleur cachée
Si l'on n'a pas de récompense ?
- Mais pour ça, ça et ça
***
LE PLUS JEUNE
Au plafond de la libellule
Un enfant fou s'est pendu,
Fixement regarde l'herbe,
Confiant lève les yeux :
Le brouillard léger se lèche comme un chat
Qui se dépouille de ses rêves.
L'enfant sait que le monde commence à peine :
Tout est transparent,
C'est la lune qui est au centre de la Terre,
C'est la verdure qui couvre le ciel
Et c'est dans les yeux de l'enfant,
Dans ses yeux sombres et profonds
Comme les nuits blanches,
Que naît la lumière.
***
Ta chevelure d'oranges dans le vide du monde
Dans le vide des vitres lourdes de silence
Et d'ombre où mes mains nues cherchent tous tes reflets.
La forme de ton coeur est chimérique
Et ton amour ressemble à mon désir perdu.
O soupirs d'ambre, rêves, regards.
Mais tu n'as pas toujours été avec moi. Ma mémoire
Est encore obscurcie de t'avoir vu venir
Et partir. Le temps se sert de mots comme l'amour.
- du recueil: Capitale de la douleur
POULE
Hélas! ma soeur, bête bête,
Ce n'est pas à cause de ton chant,
De ton chant pour l'oeuf
Que l'homme te croit bonne.
***
CHAT
Pour ne poser qu'un doigt dessus
Le chat est bien trop grosse bête.
Sa queue rejoint sa tête,
Il tourne dans ce cercle
Et se répond à la caresse.
Mais, la nuit l'homme voit ses yeux
dont la pâleur est le seul don.
Ils sont trop gros pour qu'il les cache
Et trop lourds pour le vent perdu du rêve.
Quand le chat danse
C'est pour isoler sa prison
Et quand il pense
C'est jusqu'aux murs de ses yeux.
***
ARAIGNEE
Découverte dans un oeuf,
L'araignée n'y entrera plus.
- du recueil: Poésies
Paul Eluard
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