mardi 29 mai 2012

Soirée du 14 mai 2012

Le poète : Giuseppe Ungaretti
Le thème: Demain


Né à Alexandrie en 1888, Giuseppe Ungaretti vécut quelques temps à Paris, où il rencontra Apollinaire et participa au futurisme. Professeur au Brésil de 1936 à 1942, il rentra à Rome pour enseigner la littérature française. Il est également traducteur d'écrivains anglais, espagnols et français. Sa vie touche à sa fin le 3 juin 1970 à Milan.

Les poèmes d'Ungaretti sont pareils à des tentes, haltes précaires: un moment de révolte, un moment de désespoir, un moment de trêve, d'attente, d'abandon, à peine le temps d'une réflexion, d'une sentence et c'est déjà le silence. Un mot n'y est pas plus (mais pas moins) qu'une feuille qui tremble dans la nuit.

Une magnifique archive d'un entretien en français avec Giuseppe Ungaretti, où il récite notamment un poème et parle de la poésie dans sa vie, peut se voir ici:


Quelques textes:


TOUJOURS

D'une fleur cueillie à l'autre offerte
l'inexprimable rien


***


COUCHER DE SOLEIL

La peau du ciel
éveille des oasis
au nomade d'amour


***


MATIN

Je m'éblouis
d'infini


***


VEILLÉE

Une nuit entière
jeté à côté
d'un camarde
massacré
sa bouche grinçante
tournée à la pleine lune
ses mains congestionnées
entrées
dans mon silence
j'ai écrit
des lettres pleines d'amour

Je n'ai jamais été
plus
attaché à la vie


***


PHASE D'ORIENT

Dans la mollesse mouvante d'un sourire
nous nous sentons noués par un tourbillon
de bourgeons de désir

Le soleil nous  vendange

Nous fermons les yeux
pour voir nager sur un lac
des promesses infinies

Nous en revenons marquer la terre
avec ce corps
qui à présent pèse si fort


***


LINDOR DE DÉSERT

Balancement d'ailes de fumée
tranche le silence des yeux

Avec le vent s'égrène le corail
d'une soif de baisers

Je blêmis de stupeur c'est l'aube

La vie se transvase en moi
dans un enchevêtrement de nostalgies

Je reflète à présent les coins du monde
que j'avais pour compagnons
et flairant l'étendue je m’oriente

Jusqu'à la mort à la merci du voyage

Nous avons les haltes du sommeil

Le soleil essuie les larmes

Je me couvre du manteau tiède
de lin d'or

De cette terrasse de désolation
je me penche dans les bras
du beau temps


***


SÉRÉNITÉ

Après tant
de brouillard
l'une
après l'une
des étoiles
se dévoilent

Je respire
la fraîcheur
que me laisse
la couleur
du ciel

Je me reconnais
image
passagère

Prise dans un cycle
immortel


***


PAIX

Les raisins sont mûrs, le champ labouré,

La montagne se détache des nuages.

Sur les miroirs poudreux de l'été
L'ombre est tombée,

Entre les doigts incertains
Leur lumière est claire
Et lointaine.

Avec les hirondelles s'enfuit
Le dernier déchirement.


Giuseppe Ungaretti
Vie d'un homme


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